Quand on veut, on peut
| Quand on veut, on peut | |
|---|---|
| Type | Expression polémique / élément de langage lié au mérite individuel |
| Auteur | Diffusion politique, médiatique et managériale (France, monde anglo-saxon) |
| Date | Popularisation contemporaine : années 1980–2000 (avec des racines plus anciennes dans la pensée libérale et la « success story » américaine) |
| Contexte | Discours sur le travail, la réussite sociale, la mobilité ascendante |
| Pays | France (inspirations anglo-saxonnes) |
| Thème | Méritocratie, pauvrophobie, responsabilisation individuelle |
« Quand on veut, on peut » est une expression proverbiale qui résume l’idée que la volonté individuelle suffit à surmonter les obstacles et à réussir. Elle est utilisée dans des discours politiques, éducatifs et managériaux pour valoriser la méritocratie, mais elle est aussi critiquée comme un élément de langage pauvrophobe, car elle invisibilise les contraintes sociales, économiques ou structurelles pesant sur les individus.[1]
Définition
L’expression repose sur l’idée que la réussite dépend exclusivement de l’effort personnel et de la détermination.[2] Elle fonctionne comme une injonction simplificatrice qui nie ou minimise le rôle des inégalités sociales, des discriminations ou des contextes économiques défavorables.[3]
Contexte historique ou social
L’expression trouve ses racines dans la pensée libérale et les récits de « self-made men » popularisés aux États-Unis dès le XIXᵉ siècle.[4] En France, elle se diffuse surtout à partir des années 1980–2000 dans les discours politiques sur l’emploi, l’éducation ou l’« intégration par le travail ». Elle se rattache à une logique méritocratique et individualisante, souvent opposée à une lecture structurelle des inégalités sociales.[5] L’expression est également récurrente dans le management, la formation professionnelle et le coaching.[6]
Chronologie
| Période | Usage / Diffusion | Références |
|---|---|---|
| Antiquité / Moyen Âge | Formules proches dans la littérature morale et religieuse (« Aide-toi, le ciel t’aidera »).[7] | Jean de La Fontaine, Le Chartier embourbé, in Fables, Livre VI, fable 18, 1668 |
| XIXᵉ siècle | Formules proverbiales (« Quand on veut, on peut » ; « Qui veut, peut ») popularisées dans les manuels scolaires et la littérature morale. | — |
| Fin XIXᵉ – début XXᵉ | Aux États-Unis, diffusion du modèle du « self-made man », associé à l’idée que la volonté et l’effort mènent à la réussite. | Serge Paugam, La disqualification sociale, PUF, 1991. |
| Années 1980–2000 | Diffusion accrue en France dans les discours politiques, éducatifs et managériaux, avec un accent sur la responsabilisation individuelle. | Camille Peugny, Le destin au berceau, Seuil, 2013. |
| 2010–2020 | Usage récurrent dans le coaching, le développement personnel, et dans des formules politiques médiatisées (ex. : « Il suffit de traverser la rue », Macron 2018). | France Info, 2018 |
| 2020– | Expression critiquée par les sciences sociales et certains médias comme relevant de la pauvrophobie et d’une vision culpabilisante des inégalités. | The Conversation, 2021 ; Le Monde, 2020 |
Usage / Exemples
Dans les politiques publiques, elle est utilisée pour insister sur la responsabilité des chômeurs ou des personnes précarisées à « s’en sortir » par leur seule volonté.[8] Dans l’éducation, elle peut être reprise pour motiver les élèves, en valorisant la persévérance comme clé de la réussite.[9] Dans le discours médiatique, elle est fréquemment associée à des récits de réussite individuelle présentés comme modèles universels.[10]
Controverses et critiques
Les sociologues et militants soulignent que cette formule peut être lue comme un discours pauvrophobe, en stigmatisant implicitement les personnes pauvres ou précaires comme « responsables de leur situation ». [11] Elle est critiquée pour son caractère culpabilisant : si quelqu’un échoue, c’est parce qu’il n’a pas « assez voulu », indépendamment de ses contraintes sociales, économiques ou familiales.[12] Des chercheurs en sciences sociales rappellent que la mobilité sociale et la réussite dépendent fortement des inégalités structurelles (origine sociale, capital culturel, discriminations systémiques).[13]
Variantes
- « Si tu veux, tu peux » : formulation contemporaine popularisée dans le management, l’éducation et le développement personnel.[14]
- « Il faut s’enlever les doigts » : variante familière et brutale de l’injonction à l’effort.[15]
- « Qui veut, peut » : formule condensée attestée dans la littérature morale du XIXᵉ siècle.
- « À cœur vaillant, rien d’impossible » : variante plus positive, d’origine littéraire et morale.
- « Il suffit de traverser la rue » : expression popularisée par Emmanuel Macron en 2018 pour signifier qu’il suffirait de faire un effort minimal pour trouver un emploi.[16]
- « Aide-toi, le ciel t’aidera » : maxime issue de la tradition religieuse et morale, valorisant l’effort personnel comme condition de l’aide divine.
- « Bouge-toi » / « Bouge-toi un peu » : déclinaison familière qui véhicule la même injonction à l’action.
- « Si on veut vraiment, on y arrive » : formulation contemporaine, fréquente dans le développement personnel et le coaching.
Notes et références
- ↑ « “Si tu veux, tu peux” : la pauvrophobie dans les discours publics », The Conversation, 2021 (consulté le 2 octobre 2025)
- ↑ Camille Peugny, Le destin au berceau : Inégalités et reproduction sociale, Seuil, 2013.
- ↑ « La méritocratie, un horizon qui occulte les inégalités », Le Monde, 29 septembre 2020 (consulté le 2 octobre 2025)
- ↑ Serge Paugam, La disqualification sociale : Essai sur la nouvelle pauvreté, PUF, 1991.
- ↑ « La méritocratie est-elle un mythe ? », France Culture, 2019 (consulté le 2 octobre 2025)
- ↑ « “Si tu veux, tu peux” : la pauvrophobie dans les discours publics », The Conversation, 2021 (consulté le 2 octobre 2025)
- ↑ Jean de La Fontaine, Le Chartier embourbé, in Fables, Livre VI, fable 18, 1668, lire en ligne sur Wikisource.
- ↑ « “Si tu veux, tu peux” : la pauvrophobie dans les discours publics », The Conversation, 2021 (consulté le 2 octobre 2025)
- ↑ Camille Peugny, Le destin au berceau : Inégalités et reproduction sociale, Seuil, 2013.
- ↑ « La méritocratie, un horizon qui occulte les inégalités », Le Monde, 29 septembre 2020 (consulté le 2 octobre 2025)
- ↑ « “Si tu veux, tu peux” : la pauvrophobie dans les discours publics », The Conversation, 2021 (consulté le 2 octobre 2025)
- ↑ Serge Paugam, La disqualification sociale : Essai sur la nouvelle pauvreté, PUF, 1991, lire en ligne.
- ↑ Camille Peugny, Le destin au berceau : Inégalités et reproduction sociale, Seuil, 2013, lire en ligne.
- ↑ « “Si tu veux, tu peux” : la pauvrophobie dans les discours publics », The Conversation, 2021
- ↑ « La méritocratie est-elle un mythe ? », France Culture, 2019 (consulté le 2 octobre 2025)
- ↑ « “Il suffit de traverser la rue” : le président répond à un chômeur », France Info, 16 septembre 2018